1. La transition progressive de l’oral vers l’écrit
Depuis le moyen-âge, l’examen de connaissance le plus répandu en France était conduit par l’église dans le cadre de la communion. Il a joué un rôle important dans l’évolution de l’éducation des Français. L’épreuve exclusivement orale consistait à réciter des passages de la bible après les avoir lus et mémorisés en amont. Cet examen tend à disparaître au 19ème siècle face à la hausse du niveau d’instruction dans les écoles.
Au 18ème siècle, les premières épreuves du concours de l’école polytechnique s’effectuaient également à l’oral. Les examinateurs parcouraient la France pour accomplir l’évaluation des candidats qui se faisait le plus souvent en public. Le prestigieux concours d’entrée servait à recruter les meilleurs éléments pour occuper des postes stratégiques d’ingénieurs, de scientifiques, de militaires ou d’explorateurs. Les examens écrits au concours polytechnique n’arriveront que bien plus tard, au 19ème siècle.

De la même manière, le baccalauréat, créé en 1808 et destiné à remplacer la formation de l’église, ne présentait dans ses premières versions qu’une épreuve orale. La hausse du niveau général d’instruction de la population a influencé les réformes qui ont progressivement introduit des épreuves écrites, telles que la création d’une composition en français pour remplacer celle du latin, ou encore la multiplication des matières.
L’arrivée des épreuves écrites fut, dans un premier temps, vivement contestée par la majorité des citoyens qui considéraient qu’une évaluation écrite pouvait affecter l’intégrité d’un examen. À l’époque, il était considéré que seule une évaluation orale permettait de garantir l’authentification des connaissances du candidat. En d’autres termes, elle permettait d’éviter les fraudes. Avec le temps, les mentalités ont évolué. L’examen de l’église tomba en désuétude, les courants de pensée modernes de l’époque mettant en lumière les limites de ce système éducatif qui ne pouvaient que restreindre le niveau d’instruction des apprenants.
L’écrit fut alors préféré. Il permettait d’approfondir le contrôle des connaissances et d’ajouter à l’examen des dimensions supplémentaires telles que la réflexion, la résolution de problèmes, la mise en œuvre de méthodologies et la capacité de synthèse.
2. Des contraintes organisationnelles sources d’innovation

La hausse du nombre de candidats d’année en année, entrainant des contraintes organisationnelles et budgétaires pour les institutions, a, elle aussi, favorisé l’instauration de l’écrit dans les examens.
C’est dans ce cadre qu’à partir de 1885 s’instaura une hiérarchisation des diplômes, avec l’obligation d’être titulaire d’un baccalauréat scientifique pour présenter sa candidature au concours polytechnique.
L’évolution de la place de l’écrit dans les évaluations a soulevé de nouveaux défis qu’ont dû relever les institutions au 20ème siècle.
L’intégrité des examens a été la clé de voûte du système éducatif afin de préserver leur légitimité. La pertinence des épreuves, l’irréprochabilité des examinateurs et l’honnêteté des candidats ont été les facteurs piliers de l’évolution des examens à compter de la fin du 19ème siècle jusqu’à aujourd’hui.
Ils ont influencé et déterminé l’ensemble des acquis qui structurent les examens d’aujourd’hui tels que la surveillance des épreuves, l’anonymat des candidats, la culture du secret des sujets jusqu’au jour de l’épreuve et l’homogénéisation des barèmes et critères de notations.
Néanmoins, l’augmentation croissante du nombre de candidats a provoqué au milieu du 20ème siècle, l’apparition de contraintes organisationnelles et budgétaires, cette fois-ci, liées aux épreuves écrites.
En 1969, le ministère de l’Éducation lance une procédure d’archivage des copies d’examens ce qui a rapidement posé des problèmes de collecte et de conservation matérielle. En 1975, les capacités de stockage ont atteint leurs limites contraignant les autorités à procéder à un échantillonnage
des copies conservées.
Cette solution, toujours appliquée de nos jours, s’avère inadaptée, car ne permettant pas la représentativité des copies. Le nombre de copies produites par le baccalauréat chaque année est estimé à plus de six millions contre seulement cinq cent mille copies archivées par université.
En définitive, depuis des siècles, les examens rythment l’éducation, orientent le parcours des Français, et influencent leur avenir depuis le brevet jusqu’aux plus hauts diplômes en passant par les épreuves du baccalauréat et des concours d’entrée aux grandes écoles.
Ils soulèvent des défis sociologiques, institutionnels, organisationnels, économiques, environnementaux, pédagogiques, technologiques et sanitaires que vous allez pouvoir appréhender dans cet ouvrage. Plus qu’un simple outil qui permet d’évaluer les compétences, les examens sont une véritable institution sociale et font partie intégrante de notre psychisme.