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Organisme de formation : de nouvelles sanctions pour les fraudeurs

Légal
Par Guillaume Crépin 19 août 2025

Fraude en formation : l’État durcit les sanctions et les contrôles

La lutte contre la fraude dans la formation professionnelle entre dans une phase décisive. Face aux dérives persistantes d’acteurs peu scrupuleux, le gouvernement adopte un arsenal juridique inédit, articulé autour de contrôles plus agiles, de sanctions renforcées et d’une coordination renforcée entre institutions. L’objectif est double : protéger les apprenants et garantir la légitimité des financements publics.

Des pratiques frauduleuses continuent de gangrener certaines branches du secteur : diplômes factices, certifications non reconnues, faux locaux, montages opaques ou communication trompeuse sur les débouchés. Ces dérives fragilisent l’ensemble du système, notamment les acteurs vertueux qui en subissent les conséquences en termes de réputation et de concurrence déloyale.

De nouvelles sanctions bientôt mises en œuvre

Dans le cadre de la politique de tolérance zéro contre la fraude, un nouveau régime de sanctions est mis en place pour prévenir, détecter et éliminer les pratiques frauduleuses dans la formation professionnelle. Ce régime repose sur des leviers juridiques renforcés, une procédure administrative plus directe, et une approche coordonnée entre les différents services de l’État. Chaque mesure a été pensée pour neutraliser rapidement les structures déviantes et dissuader toute tentative de contournement.

Suspension immédiate des organismes en cas de soupçon grave

Jusqu’à présent, les autorités de contrôle ne pouvaient intervenir qu’après avoir constitué un dossier solide et formellement établi l’irrégularité d’un organisme de formation. Désormais, l’administration peut suspendre préventivement l’activité d’un organisme dès qu’un faisceau d’indices sérieux laisse présumer une fraude.

Cette suspension ne requiert pas de décision de justice. Elle peut être déclenchée à partir :

  • d’un contrôle en cours révélant une non-conformité manifeste,
  • d’une alerte transmise par un financeur ou une autorité de certification,
  • ou de documents administratifs suspects (statuts incohérents, fausses attestations, absence de locaux ou de personnel identifié).

La suspension a un effet immédiat sur le droit d’exercer : l’organisme ne peut plus conclure de nouveaux contrats, ni faire valoir ses prestations dans le cadre de financements publics. Cette mesure est particulièrement utile pour empêcher la captation rapide de fonds publics par des structures éphémères ou instables.

Instauration d’un délai de carence pour les fraudeurs exclus

Un organisme dont la fraude est constatée de manière formelle (après sanction administrative ou pénale) se verra exclu du système de formation financée. Ce ne sera pas une exclusion purement symbolique : la sanction s’accompagne d’un délai de carence, pendant lequel il est impossible pour les dirigeants ou la structure elle-même de redéposer une déclaration d’activité.

Ce délai s’appliquera même si l’entité change de nom ou de forme juridique. Il pourra aller jusqu’à plusieurs années, en fonction de la gravité des faits reprochés. Il vise à empêcher les pratiques de réimmatriculation rapide, fréquentes dans les cas de fraude avérée, où un organisme dissous réapparaît sous une nouvelle identité mais avec les mêmes responsables.

Un mécanisme de traçabilité des dirigeants est prévu pour repérer les tentatives de contournement. Les informations pourront être croisées entre bases de données (DREETS, Caisse des dépôts, certificateurs, financeurs) afin de bloquer les récidivistes, même lorsqu’ils opèrent via des prête-noms ou des sociétés écrans.

Suppression du recours administratif préalable obligatoire

Une avancée procédurale majeure vient renforcer la capacité de réaction de l’administration : la suppression du recours administratif préalable obligatoire (RAPO). Jusqu’à présent, tout refus ou suspension d’un organisme devait d’abord passer par un recours gracieux obligatoire, qui allongeait artificiellement les délais d’exécution.

Ce formalisme est désormais supprimé. L’administration pourra rendre immédiatement exécutoires ses décisions, sauf si l’organisme engage un contentieux devant le tribunal administratif. Même dans ce cas, la suspension ou l’exclusion restera applicable pendant la procédure, sauf décision expresse de suspension par le juge.

Cette évolution accélère considérablement la gestion des situations critiques. Elle permet d’éviter la dilution de la sanction dans des procédures longues, souvent exploitées par des structures mal intentionnées pour continuer à opérer.

Contrôles anonymes et renforcement des sanctions administratives

Une évolution réglementaire complémentaire est prévue pour introduire la possibilité de contrôles anonymes, notamment dans les cas où la transparence classique pourrait compromettre l’efficacité du contrôle (organismes très médiatisés, alertes sensibles, environnement menaçant pour les agents).

Les contrôles pourront être menés à l’initiative d’un seul acteur (DREETS, financeur, inspection du travail) mais sur la base de données partagées avec d’autres institutions, ce qui permettra une évaluation croisée des risques.

En parallèle, les sanctions administratives seront étendues : non seulement suspension ou radiation, mais aussi restitution des financements perçus indûmentinterdiction temporaire d’exercer, et signalement automatique aux autres autorités compétentes (DGCCRF, Justice, URSSAF, etc.).

L’ensemble de ces évolutions vise à créer un environnement dissuasif, dans lequel le risque de fraude devient systématiquement détectable et coûteux, tant sur le plan économique que juridique.

Un tournant répressif assumé dans la régulation de la formation

Ce nouveau dispositif de sanctions marque une inflexion majeure dans la régulation de la formation professionnelle. L’État n’entend plus corriger les abus a posteriori, mais intervenir en amont pour éviter leur occurrence. Le message est clair : les structures opaques, les pratiques douteuses et les circuits de financement détournés n’ont plus leur place dans le système.

Cette stratégie ne vise pas à brider l’innovation ou la diversité de l’offre, mais à protéger les apprenantspréserver l’intégrité des diplômes, et garantir que chaque euro public serve l’acquisition de compétences réelles. En s’appuyant sur des règles claires, des contrôles mieux coordonnés et des sanctions efficaces, le gouvernement affirme sa volonté de construire un système de formation plus sûr, plus transparent et plus juste.